vendredi 26 juin 2020

De l'amitié familière de Jésus

1. Tout est facile et doux, quand Jésus est présent ;
Lorsqu'il est éloigné, tout est dur et pesant.
S'il ne parle à nos cœurs, nul repos en ce monde :
Il dit une parole, et la paix nous inonde.
Madeleine pleurait. Le divin Maître est là,
Lui dit Marthe, il t'appelle. (1) Un mot la consola.
Doux moment où Jésus du sein de la tristesse
Arrache notre cœur, nous comble d'allégresse !
Quand Jésus est absent, oh ! quelle aridité !
Aveuglement funeste et folle vanité
De vouloir hors de lui trouver quelque avantage !
N'est-ce point pour notre âme un bien plus grand dommage
Que pour un conquérant de perdre l'univers ?

2. Sans Jésus, qu'espérer de ce monde pervers ?
Vivre loin de Jésus, c'est l'enfer qui commence :
Habiter avec lui, c'est un bonheur immense,
C'est un doux paradis. Si Jésus est pour vous,
De tous vos ennemis vous braverez les coups.
On découvre en Jésus un trésor véritable ;
Que dis-je ?... on trouve en lui tout bonheur désirable.
Perdre le monde entier serait perdre bien peu,
S'il nous restait Jésus. Sans Jésus, notre Dieu,
Quel dénûment, hélas ! Je vis dans l'opulence,
Quand Jésus est à moi.

3. C'est l'art par excellence
Que de savoir parler cœur à cœur à Jésus ;
Savoir le retenir est le don des élus.
Une âme humble et fervente, une âme pacifique,
Devient pour ce bon Maître un temple magnifique ;
Mais lorsqu'en vains discours on épanche son cœur,
On éloigne Jésus et l'on perd sa faveur.
Si vous le bannissez, contre ce divin Juge
Désormais quel ami sera votre refuge ?
Sans ami, le bonheur, l'avez-vous rencontré ?
Mais si Jésus n'est point votre ami préféré,
Au chagrin votre cœur est constamment en proie.
Oh ! qu'on est insensé, quand on cherche sa joie
Ou qu'on met son espoir en tout autre que lui !
Car on devrait, plutôt que perdre un tel appui,
Soulever contre soi tous les peuples du monde.
Ah ! n'ayez donc jamais d'attache aussi profonde
Pour vos plus chers amis !

4. Aimez-les pour Jésus,
Et Jésus pour lui-même : à ce Dieu des vertus
Il faut tout notre cœur ; car de l'ami fidèle,
Du plus parfait ami, Jésus est le modèle.
Pour lui-même, en lui-même, aimez vos ennemis
Et ceux qui vous sont chers : que nul ne soit omis,
Quand vous priez Jésus, afin qu'un si bon Père
Soit connu, soit aimé, de tout homme sur terre.
Gardez-vous d'aspirer à ces honneurs de choix,
A ce tribut d'amour qu'on paye au Roi des rois :
Oseriez-vous prétendre être aimé sans mesure ?
N'aimez ainsi vous-même aucune créature ;
Mais que Dieu règne en vous, en tout homme de bien.

5. Foulez aux pieds la chair et brisez tout lien.
Il faut que votre cœur soit vraiment pur et libre,
Il faut que pour Dieu seul à chaque instant il vibre,
S'il aspire à goûter combien Jésus est doux.
Mais à ce but jamais comment parviendrez-vous
Sans être prévenu d'une faveur céleste
Qui fortement vous porte à bannir tout le reste,
Pour être à Jésus seul étroitement uni ?
Car le juste peut tout, quand son bras est muni
De la force d'en haut ; mais quand Dieu se retire,
L'homme est infirme et pauvre, et semble sous l'empire
D'un châtiment céleste. Un chrétien sans vertu,
Perdant alors courage, est bientôt abattu ;
Mais à tout ici-bas, pour rendre gloire au Maître,
Un vrai soldat du Christ est prêt à se soumettre :
La nuit fait place au jour et l'hiver à l'été,
L'orage, la tempête, à la sérénité.


(1): Jean, ch. XI, ver. 28.


 




Traduction littérale de l'abbé de Lamennais :

  1. Quand Jésus est présent, tout est doux et rien ne semble difficile; mais quand Jésus se retire, tout fatigue.
    Quand Jésus ne parle pas au-dedans, nulle consolation n'a de prix; mais si Jésus dit une seule parole, on est merveilleusement consolé.
    Marie-Madeleine ne se leva-t-elle pas aussitôt du lit où elle pleurait, lorsque Marthe lui dit: Le maître est là, et vous appelle (1)?
    Heureux moment où Jésus appelle des larmes à la joie de l'esprit !
    Combien, sans Jésus, n'êtes-vous pas aride et insensible !
    Et quelle vanité, quelle folie, si vous désirez autre chose que Jésus-Christ ! Ne serait-ce pas une plus grande perte que si vous aviez perdu le monde entier ?
  2. Que peut vous donner le monde sans Jésus ?
    Etre sans Jésus, c'est un insupportable enfer; être avec Jésus, c'est un paradis de délices.
    Si Jésus est avec vous, nul ennemi ne pourra vous nuire.
    Qui trouve Jésus trouve un trésor immense, ou plutôt un bien au-dessus de tout bien.
    Qui perd Jésus perd plus et beaucoup plus que s'il perdait le monde entier.
    Vivre sans Jésus, c'est le comble de l'indigence; être uni à Jésus, c'est posséder des richesses infinies.
  3. C'est un grand art que de savoir converser avec Jésus, et une grande prudence que de savoir le retenir près de soi.
    Soyez humble et pacifique, et Jésus sera avec vous.
    Que votre vie soit pieuse et calme, et Jésus demeurera près de vous.
    Vous éloignerez bientôt Jésus et vous perdrez sa grâce, si vous voulez vous répandre au-dehors.
    Et si vous l'éloignez et le perdez, qui sera votre refuge et quel autre ami chercherez-vous ?
    Vous ne sauriez vivre heureux sans ami; et si Jésus n'est pas pour vous un ami au-dessus de tous les autres, n'attendez que tristesse et désolation.
    Qu'insensé vous êtes, si vous mettez en quelque autre votre confiance ou votre joie !
    Il vaudrait mieux avoir le monde entier contre vous, que d'être dans la disgrâce de Jésus.
    Qu'il vous soit donc plus cher que tout ce qui vous est cher.
  4. Aimez tous les autres pour Jésus, et Jésus pour lui-même.
    Lui seul doit être aimé uniquement, parce qu'il est le seul ami bon, fidèle, entre tous les amis.
    Aimez en lui et à cause de lui vos amis et vos ennemis, et priez-le pour tous afin que tous le connaissent et l'aiment.
    Ne souhaitez jamais d'obtenir aucune préférence dans l'estime ou l'amour des hommes; car cela n'appartient qu'à Dieu, qui n'a point d'égal.
    Ne désirez point que quelqu'un s'occupe de vous dans son cœur, et ne soyez vous-même préoccupé de l'amour de personne; mais que Jésus soit en vous et en tout homme de bien.
  5. Soyez pur et libre au-dedans, sans aucune attache à la créature.
    Il vous faut être dépouillé de tout, et offrir à Dieu un cœur pur, si vous voulez être libre et goûter combien le Seigneur est doux.
    Et certes, jamais vous n'y parviendrez si sa grâce ne vous prévient et ne vous attire: de sorte qu'ayant exclu et banni tout le reste, vous soyez seul uni à lui seul.
    Car lorsque la grâce de Dieu visite l'homme, alors il peut tout; et quand elle se retire, alors il est pauvre et infirme, et ne semble réservé qu'aux châtiments.
    En cet état même, il ne doit ni se laisser abattre ni désespérer, mais il doit se soumettre avec calme à la volonté de Dieu et souffrir pour l'amour de Jésus-Christ tout ce qui lui arrive: car l'été succède à l'hiver, après la nuit revient le jour, et après la tempête une grande sérénité.

    (1): Jean, ch. XI, ver. 28.

Réflexions de l'abbé de Lamennais :


L'amour a fait descendre le Fils de Dieu sur la terre. L'amour nous élève jusqu'à lui. Alors s'établit entre notre âme et Jésus comme une union ravissante, alors s'accomplit cette promesse: Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous (1).
Venez donc, ô mon Jésus, venez briser les derniers liens qui m'attachent aux créatures et retardent l'heureux moment où je ne vivrai plus que pour vous. Faites que, m'oubliant moi-même, je ne voie, je ne désire que vous seul, et me repose sur votre sein comme le disciple bien-aimé, dans cette paix délicieuse que le monde ne donne pas (2), qu'il ne peut même comprendre, mais aussi que ses orages ne sauraient troubler.

(1): Jean, ch. XIV, ver. 18.
(2): Jean, ch. XIV, ver. 27.


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