vendredi 17 avril 2020

De la pureté du cœur et de la droiture d'intention

1. Du séjour de l'exil aux voûtes éternelles
L'âme du vrai chrétien s'envole sur deux ailes,
La pureté du cœur et la simplicité :
Car dans l'affection siège la pureté,
Et la simplicité règne avec la droiture.
Celle-ci vers son Dieu conduit la créature,
Et celle-là rend l'homme ami du Créateur,
En l'invitant sans cesse à goûter le Seigneur.
Des penchants déréglés quand on n'est point esclave,
Au sentier des vertus l'on marche sans entrave.
Oh ! si tous vos désirs se réduisaient au vœu
D'être utile au prochain, d'être agréable à Dieu,
Que votre âme en tout temps resterait libre et pure !
Quand notre cœur est droit, la moindre créature
De la Source de vie est pour nous un miroir :
C'est un livre divin, qui nous fait entrevoir
La bonté du Très-Haut et sa magnificence.

2. Si vous aviez au cœur la parfaite innocence,
Rien alors ne serait un obstacle à vos yeux ;
Car vous comprendriez et l'enfer et les cieux.
Par notre propre état nous jugeons d'ordinaire
Les choses du dehors. S'il se trouve sur terre
Un peu de vrai bonheur, c'est au fond du cœur pur.
Qui donc sentit jamais d'esclavage plus dur
Qu'une âme assujettie au péché qui la souille ?
De même que le fer sur-le-champ perd sa rouille
Et devient éclatant, lorsqu'on le met au feu,
Ainsi, quand le pécheur revient vraiment à Dieu,
Secouant à la fois sa langueur et sa fange,
A l'instant par la grâce en autre homme il se change.

3. Sitôt que la tiédeur se glisse au cœur du fort,
On le voit reculer devant le moindre effort :
Il abhorrait le monde, et maintenant il l'aime !
Mais dès que l'on commence à se vaincre soi-même,
A marcher vaillamment sur les pas du Sauveur,
On se livre avec joie au plus âpre labeur.


 




Traduction littérale de l'abbé de Lamennais :

  1. L'homme s'élève au-dessus de la terre sur deux ailes, la simplicité et la pureté.
    La simplicité doit être dans l'intention, et la pureté dans l'affection.
    La simplicité cherche Dieu, la pureté le trouve et le goûte.
    Nulle bonne œuvre ne vous sera difficile si vous êtes libre au-dedans de toute affection déréglée.
    Si vous ne voulez que ce que Dieu veut et ce qui est utile au prochain, vous jouirez de la liberté intérieure.
    Si votre cœur était droit, alors toute créature vous serait un miroir de vie et un livre rempli de saintes instructions.
    Il n'est point de créature si petite et si vile qui ne présente quelque image de la bonté de Dieu.
  2. Si vous aviez en vous assez d'innocence et de pureté, vous verriez tout sans obstacle. Un cœur pur pénètre le ciel et l'enfer.
    Chacun juge des choses du dehors selon ce qu'il est au-dedans de lui-même.
    S'il est quelque joie dans le monde, le cœur pur la possède.
    Et s'il y a des angoisses et des tribulations, avant tout elles sont connues de la mauvaise conscience.
    Comme le fer mis au feu perd sa rouille et devient tout étincelant, ainsi celui qui se donne sans réserve à Dieu se dépouille de sa langueur et se change en un homme nouveau.
  3. Quand l'homme commence à tomber dans la tiédeur, alors il craint le moindre travail et reçoit avidement les consolations du dehors.
    Mais quand il commence à se vaincre parfaitement et à marcher avec courage dans la voie de Dieu, alors il compte pour rien ce qui lui était le plus pénible.

Réflexions de l'abbé de Lamennais :


Quand Jésus-Christ voulut proposer un modèle à ses disciples, le choisit-il parmi les hommes distingués par la science ou par la supériorité de leur esprit? Non; il appela un petit enfant, le plaça au milieu d'eux et dit: En vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez et ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (1).
Or, que voyons-nous dans l'enfance? La simplicité, la pureté. Elle croit, elle aime, elle agit, sans retour sur elle-même, par un premier mouvement du cœur; et voilà ce qui plaît à Dieu. Il ne demande ni de longues prières, ni d'éloquents discours, ni des méditations profondes, mais une volonté droite et un amour plein de candeur. N'avoir en tout de désirs que les siens, s'oublier entièrement soi-même, se soumettre aux volontés de l'adorable Providence, sans chercher à les scruter.
Quoi de plus pur que cet abandon, que cette simple obéissance? Aussi la récompense en sera-t-elle grande: Heureux, est-il dit, ceux qui ont le cœur pur parce qu'ils verront Dieu (2).

(1): Matth., ch. XVIII, ver. 2 et 3.
(2): Matth., ch. V, ver. 8.


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