vendredi 16 novembre 2018

Qu'il faut éviter les entretiens inutiles

1. Aimez à vous soustraire au tumulte du monde.
Pourriez-vous rester pur à ce contact immonde ?
C'est le désir du bien qui d'abord nous conduit ;
Bientôt la vanité nous charme et nous séduit.
Oh ! combien je voudrais, en plus d'une occurrence,
Avoir su m'imposer un rigoureux silence !
Et pourrais-je sans crainte aimer à converser,
Lorsque si rarement je parle sans blesser ?
De compliments flatteurs nous faisons un échange,
Et nous quêtons sans fin l'estime et la louange,
Dans l'espoir d'y trouver un adoucissement
A tous les vains soucis qui font notre tourment.
Notre plus vif attrait est d'épancher notre âme
En frivoles discours ou d'éloge ou de blâme,
Sur nos vœux les plus chers, sur nos affections,
Sur nos sujets d'ennuis, de contradictions.

2. Mais que de fois, hélas ! notre espérance est vaine !
La consolation sensible et trop humaine,
Comme un souffle brûlant, tarit les dons des cieux.
Veillons donc et prions : le temps est précieux.
De scandaleux discours que la foi nous préserve !
Ce qui fait trop souvent qu'on parle sans réserve,
C'est la triste habitude et le relâchement.
Un pieux entretien sert notre avancement,
Pourvu que la ferveur constamment nous soutienne
Et que nos cœurs soient pleins de charité chrétienne.


 




Traduction littérale de l'abbé de Lamennais :

  1. Evitez autant que vous pourrez le tumulte du monde, car il y a du danger à s'entretenir des choses du siècle, même avec une intention pure.
    Bientôt la vanité souille l'âme et la captive.
    Je voudrais plus souvent m'être tu, et ne m'être point trouvé avec les hommes.
    D'où vient que nous aimions tant à parler et à converser lorsque si rarement il arrive que nous rentrions dans le silence avec une conscience qui ne soit point blessée ?
    C'est que nous cherchons dans ces entretiens une consolation mutuelle et un soulagement pour notre cœur fatigué de pensées contradictoires.
    Nous nous plaisons à parler, à occuper notre esprit de ce que nous aimons, de ce que nous souhaitons, de ce qui contrarie nos désirs.
  2. Mais souvent, hélas ! bien vainement; car cette consolation extérieure n'est pas un médiocre obstacle à la consolation que Dieu donne intérieurement.
    Il faut donc veiller et prier, afin que le temps ne se passe pas sans fruit.
    S'il est permis, s'il convient de parler, parlez de ce qui peut édifier.
    La mauvaise habitude et le peu de soin de notre avancement nous empêchent d'observer notre langue.
    Cependant de pieuses conférences sur les choses spirituelles, entre des personnes unies selon Dieu et animées d'un même esprit, servent beaucoup au progrès dans la perfection.

Réflexions de l'abbé de Lamennais :


Il est écrit que nous rendrons compte, au jour du jugement, même d'une parole oiseuse (1).
Ne nous étonnons pas de tant de rigueur; tout est sérieux dans la vie humaine, dont chaque moment peut avoir de si formidables conséquences. Ce temps, que vous dissipez en des entretiens inutiles, vous était donné pour gagner le ciel.
Comparez la fin pour laquelle vous l'avez reçu avec l'usage que vous en faites. Et cependant, que savez-vous s'il vous sera seulement accordé une heure de plus ?

(1): Matth., ch. XII, ver. 36.


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