vendredi 5 octobre 2018

De la prévoyance dans les actions

1. Céder à tout instinct, croire à toute parole,
Accuserait au moins une âme bien frivole.
Pesez donc toute chose avec maturité.
De notre cœur, hélas ! telle est l'infirmité
Que nous croyons au mal, plutôt qu'à l'innocence.
Mais un homme parfait, guidé par la prudence,
Ne prête point l'oreille à ces vains discoureurs
Dont trop souvent la langue est féconde en erreurs.
Il connaît des mortels l'incurable faiblesse.

2. Ne rien précipiter est signe de sagesse ;
Et c'est marque d'orgueil de suivre obstinément,
De prétendre imposer son propre sentiment.
De peur d'être l'écho d'une voix infidèle,
Ne divulguez jamais le mal qu'on vous révèle.
Sachez prendre conseil d'un prudent directeur,
Qui puisse vous guidez, vous soustraire à l'erreur.
Mais c'est à la vertu, plutôt qu'à la science,
Qu'il vous faut demander la sage expérience :
Aux yeux de Dieu, plus l'homme est humble et dépendant,
Plus son esprit est calme, et plus il est prudent.


 




Traduction littérale de l'abbé de Lamennais :

  1. Il ne faut pas croire à toute parole, ni obéir à tout mouvement intérieur, mais peser chaque chose selon Dieu, avec prudence et avec une longue attention.
    Hélas ! nous croyons et nous disons plus facilement des autres le mal que le bien, tant nous sommes faibles.
    Mais les parfaits n'ajoutent pas foi aisément à tout ce qu'ils entendent, parce qu'ils connaissent l'infirmité de l'homme, enclin au mal et léger dans ses paroles.
  2. C'est une grande sagesse que de ne point agir avec précipitation, et de ne pas s'attacher obstinément à son propre sens.
    Il est encore de la sagesse de ne pas croire indistinctement tout ce que les hommes disent, et ce qu'on a entendu et cru, de ne point aller aussitôt le rapporter aux autres.
    Prenez conseil d'un homme sage et de conscience; et laissez-vous guider par un autre qui vaille mieux que vous, plutôt que de suivre vos propres pensées.
    Une bonne vie rend l'homme sage selon Dieu, et lui donne une grande expérience.
    Plus on sera humble et soumis à Dieu, plus on aura de sagesse et de paix en toutes choses.

Réflexions de l'abbé de Lamennais :


Dieu devant être la dernière fin de nos actions comme de nos désirs, il est nécessaire qu'en agissant nous évitions de nous abandonner aux mouvements précipités de la nature, dont le penchant est de tout rapporter à soi.
Et comme nul ne se connaît lui-même, et ne peut dès lors être son propre guide, la sagesse veut que nous ne hasardions aucune démarche de quelque importance avant d'avoir pris conseil, en esprit de soumission et d'humilité.
Cette juste défiance de soi prévient les chutes et purifie le cœur. Le conseil vous gardera, dit l'Ecriture, et vous retirera de la voie mauvaise (1).

(1): Prov., ch. II, ver. 11-12.


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