vendredi 30 novembre 2018

Des avantages de l'adversité

1. C'est pour l'homme un vrai bien d'éprouver des traverses,
D'être affligé souvent par des peines diverses :
Alors il est forcé de rentrer dans son cœur,
De sentir son exil, de pleurer son malheur ;
Contraint de soupirer après sa délivrance,
Dans le bras du Très-Haut il met son espérance.
C'est un bien d'être en butte aux contradictions,
De voir blâmer en soi jusqu'aux intentions.
C'est un bien qu'envers nous l'on soit peu charitable,
Que pour nous le méchant ne soit point équitable :
Prémunissant nos cœurs contre l'esprit d'orgueil,
La croix nous garantit d'un redoutable écueil.
Quand l'homme est un objet de mépris et d'outrage
Et qu'un monde pervers le poursuit de sa rage,
Alors, au fond du cœur, il en appelle à Dieu.

2. Reposons-nous sur lui, sans relâche, en tout lieu.
Seul il peut adoucir nos heures de détresse
Et transformer nos maux en source d'allégresse.
Quand le juste est troublé par l'attrait des plaisirs
Et qu'il sent l'aiguillon des plus honteux désirs,
Voyant que Jésus seul peut lui venir en aide,
Il recourt à Celui de qui tout bien procède.
Alors il se lamente, à toute heure il gémit
Sur le sort déplorable auquel Dieu le soumit.
Dans son dégoût profond d'avoir encore à vivre,
Il attend chaque jour que la mort le délivre,
Et souhaite ardemment, selon qu'il est écrit,
De voir tomber ses fers, d'être avec Jésus-Christ. (1)
Alors il comprend bien que le séjour de l'ange
Est l'unique cité de la paix sans mélange.


(1): Philip., ch. I, ver. 23.


 




Traduction littérale de l'abbé de Lamennais :

  1. Il nous est bon d'avoir quelquefois des peines et des traverses, parce que souvent elles rappellent l'homme à son cœur, et lui font sentir qu'il est en exil, et qu'il ne doit mettre son espérance en aucune chose du monde.
    Il nous est bon de souffrir quelquefois des contradictions, et qu'on pense mal ou peu favorablement de nous, quelques bonnes que soient nos actions et nos intentions. Souvent cela sert à nous prémunir contre la vaine gloire.
    Car nous avons plus d'empressement à chercher Dieu, qui voit le fond du cœur, quand les hommes au-dehors nous rabaissent et pensent mal de nous.
  2. C'est pourquoi l'homme devrait s'affermir tellement en Dieu, qu'il n'eût pas besoin de chercher tant de consolations humaines.
    Lorsque, avec une volonté droite, l'homme est troublé, tenté, affligé de mauvaises pensées, il reconnaît alors combien Dieu lui est nécessaire, et qu'il n'est capable d'aucun bien sans lui.
    Alors il s'attriste, il gémit, il prie à cause des maux qu'il souffre.
    Alors il s'ennuie de vivre plus longtemps, et il souhaite que la mort arrive, afin que, délivré de ses liens, il soit avec Jésus-Christ (1).
    Alors aussi il comprend bien qu'une sécurité parfaite, une pleine paix, ne sont point de ce monde.

    (1): Philip., ch. I, ver. 23.

Réflexions de l'abbé de Lamennais :


C'est dans l'adversité que chacun de nous apprend à connaître ce qu'il est réellement.
Celui qui n'a pas été éprouvé, que sait-il (1) ? L'homme à qui tout prospère, est exposé à un grand danger. Il est bien à craindre que son âme ne s'assoupisse d'un sommeil pesant, et qu'à l'heure du réveil on ne lui dise: Souvenez-vous que vous avez reçu vos biens sur la terre (2).
Ici-bas les souffrances sont une grâce de prédilection, elles nous exercent à la vertu, elles nous fournissent de nouvelles occasions de mérite et nous rendent conformes au Fils de Dieu, dont il est écrit: Il a fallu que le Christ souffrît et qu'il entrât ainsi dans la gloire (3).

(1): Ecclésiastique, ch. XXXIV, ver. 10.
(2): Luc, ch. XVI, ver. 25.
(3): Actes, ch. XVII, ver. 3.


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